Quand le sol de la salle finit par s’effondrer, emportant tous ses compagnons et lui-même dans un voyage étrange de l’esprit, Kalimar se demanda s’il allait enfin voir la mort en face, après tous les risques et toutes les aventures vécues dans sa courte vie. A l’échelle de son peuple, l’elfe noir n’est guère plus qu’un adolescent, même si les épreuves et l’attidude hostile de ses semblables lui ont permis de développer naturellement une certaine maturité.
Qu’il participe à son dernier voyage ou non, une certaine sérénité semblait reigner en ces lieux, lui permettant d’oublier momentanément le visage de l’enfant qu’il avait accidentellement tué dans cette grotte infernale. Puisque sa conscience, bien qu’altérée continuait d’exister, cela laissait présager d’une nouvelle aventure, de nouvelles expériences, de nouvelles rencontres ! Un voyage exaltant vers l’inconnu, de quoi faire vibrer une corde sensible dans l’esprit chaotique du sorcier. Peut-être l’occasion de visiter enfin la dimension du chaos, rencontrer les forces qui lui ont permis de survivre si souvent, alors que seul un vague aperçu demeurre dans sa mémoire des couleurs changeantes et hypnotisantes de cette dimension !
Une pensée soudaine le traversa : que pouvaient bien devenir ses compagnons ? Malgré son esprit solitaire et son indépendance, il avait finit par s’attacher à cette bande hétéroclite que le destin avait finit par réunir.
Armadillo en premier lieu devrait pouvoir survivre à une telle expérience. Son esprit pragmatique et la densité de son corps, sa capaciter à vivre sans nourriture ni air faisait de lui une créature difficile à abattre ! D’autre part, son habileté à identifier et à manipuler la magie lui permettra sans doutes une bien meilleure analyse de la situation ! Mais qu’en est-il des autres ? Peu habitués à la magie, voir parfois réticents à reconnaitre ses effets ou la pertinence de son utilisation, quelle pouvaient être les effets d’un voyage au coeur même de la magie ?
Combien de fois le nain avait-il bougonné sur le fait qu’un marteau fracassait tout aussi bien un crane qu’une fichue flèche de lumière ! Sourtout quand cette dernière n’avait même pas la décence de rester stable dans sa forme et sa couleur ? Un compagnon solide, sur qui on pouvait s’appuyer, mais dont la rectitude morale imposait tellement de limites ! A toujours vouloir sauver jusqu’à leurs ennemis, combien de fois Kalimar avait-il soupiré devant tant de temps perdu et de risques pris ?
Penser à Hakhal lui fit immédiatement penser à Ylac, cette moniale avec qui le nain formait si souvent la paire ! Cette dernière était certainement plus souple et plus roublarde que ce que son entrainement aurait pu laisser présager. Capable de prendre des risques insensés, de laisser le chaos s’emparer d’une situation complexe, et pourtant tellement calme et maitresse du moindre de ses mouvements ! Ses acrobaties et ses prouesses martiales avaient plus d’une fois impressionné Kalimar.
Sa protégée, Lily Rose, pouvait sembler bien jeune en comparaison, mais ses expériences traumatisantes et sa capacité d’adaptation la faisait paraitre bien souvent plus mature que la moniale, notemment sur le plan de la vie en société, dont la moniale avait peu l’expérience du fait de son cloisonnement au monastère. Sa facilité d’apprentissage des armes, et notemment des armes à distance avait laissé Kalimar pantois. Soit qu’Eldir fut un très bon professeur, soit que la petite apprenait vite ! Sans doute un peu des deux.
Eldir et son éternel paradoxe ! Capable, au plus fort de la mélée de raviver la flamme de ses compagnons et d’organiser des actions concertées pour anéantir un ennemi ou résister à une charge, et pourtant très souvent en retrait dans la direction globale du combat ! Quel général il pourrait faire s’il décidait à un moment de prendre les choses en main, fort de ses sciences tactiques et de son expertise martiale !
Penser à tous ses compagnons rappela à Kalimar la situation désastreuse de la ville qu’ils avaient sous doute quittée. Est-ce que Guilda s’en était sortie ? Et ce vieux moine qui avait aidé de parfaits étrangers à survivre au milieu d’une ville hostile ? Il leur avait indiqué un refuge sûr et une alliée de poid ! Et tous ces enfants qu’ils avaient finalement retrouvés ? Prisonniers d’une grotte probablement entièrement effondrée désormais ?
Penser aux enfants imprima dans l’esprit de Kalimar le visage d’un enfant, les yeux vides, le cou formant un angle improbable avec le reste du corps et une lance de glace traversa son coeur. Abandonnant ses rêveries, il se reconcentra sur son environnement immédiat. Une nouvelle aventure est rarement sans dangers, et savoir saisir les opportunités d’une situation est la clé pour se frayer un chemin au sein du chaos qu’est la vie !